Chez Porte Parole, on aime créer des œuvres qui abordent de front de grandes questions de société en échangeant des idées dans un dialogue constructif, auquel tout le monde est invité à prendre part. Cette philosophie, qui repose sur un respect de l’intelligence et du sens critique de nos spectateurs et spectatrices, ne s’applique pas qu’à la scène. Dans un élan de transparence en parfaite adéquation avec ses principes fondateurs, notre compagnie souhaite aujourd’hui réfléchir à voix haute sur une question essentielle mais délicate pour tout organisme culturel : le financement. 

Le théâtre est-il un bien de consommation?

Bien qu’elles soient incontournables, les questions d’argent sont particulièrement épineuses, en particulier lorsque vient le temps de solliciter des dons – qu’ils viennent de particuliers, de fondations ou d’entreprises. « C’est justement pour ça qu’il est important d’en parler », explique Maxime Bertrand, directeur du développement philanthropique chez Porte-Parole. « Je pense que plus les gens vont être éduqués sur ces enjeux, plus ils vont se sentir impliqués dans la démarche. »

Ce souhait est évidemment partagé par la fondatrice Annabel Soutar, qui refuse de concevoir sa relation au public – et aux donateurs – en simples termes transactionnels. « On veut que les gens assistent à nos spectacles pas seulement pour consommer du divertissement, mais pour être en conversation avec l’équipe de création », explique-t-elle. « C’est la même chose pour le financement: si une personne fait un don, qu’il s’agisse de 25$ ou de 10 000$, on veut qu’elle le fasse parce qu’elle partage nos valeurs et parce qu’elle croit au pouvoir du théâtre documentaire pour engager le dialogue et changer les choses. »

Prix du billet : un juste reflet de la réalité?

Bien qu’elle ait eu des effets dévastateurs sur le milieu des arts vivants, la pandémie aura permis de soulever des questions importantes sur les enjeux de financement auxquels font face les créateurs. L’initiative du « billet solidaire », qui a permis à des détenteurs de billets de spectacles annulés de convertir leur place en don, a été particulièrement éclairante. « Ç’a été une prise de conscience pour beaucoup de gens et ça nous a convaincus de l’importance de transformer les spectateurs en donateurs de façon durable », explique Maxime Bertrand. « Les gens ne comprennent pas toujours que le billet qu’ils achètent est subventionné. Sans les dons et les subventions, il coûterait peut-être le double de ce qu’on paie! »

« Les gens ne comprennent pas toujours que le billet qu’ils achètent est subventionné. Sans les dons et les subventions, il coûterait peut-être le double de ce qu’on paie! » — Maxime Bertrand

Ce désir de transparence, qui fait partie des valeurs cardinales de la compagnie, n’est pas toujours facile à implanter. Est-ce que Porte Parole devrait, par exemple, imprimer des billets où figurerait le montant payé par le spectateur et celui payé par les donateurs? Il n’en est pas question pour le moment. Mais on sent un désir d’aborder ces questions en toute franchise, en respectant l’intelligence des spectateurs et donateurs. « Dans nos échanges avec les donateurs, on essaie de donner de plus en plus d’informations chiffrées », explique Mira Cliche, responsable des communications. « Les gens ne se rendent souvent pas compte à quel point monter un spectacle de théâtre documentaire coûte cher : une création, en partant du travail initial de recherche jusqu’à la première représentation, peut nécessiter un budget allant de 190 000 $ et 600 000 $. » Et pour arriver à le boucler, Porte Parole a besoin de plus que des salles pleines. En fait, les dons, qu’ils viennent de particuliers, de fondations ou d’entreprises représentent environ 20% du budget global de la compagnie.

De spectateur à acteur : la force d’une communauté

Mais comment créer un élan philanthropique dans la population? Et lorsque l’argent se met à entrer, comment conserver notre indépendance éditoriale et nos principes créatifs tout en redonnant à ceux qui nous soutiennent? Les questions sont nombreuses… « Ça semble simple à dire, mais il faut être à l’écoute des gens; c’est un de nos principes fondamentaux », résume Annabel. « Tout notre travail créatif repose là-dessus : on commence par rencontrer et interviewer les gens avant de porter leur parole sur scène. On veut les comprendre. Et si on veut être fidèles à nos valeurs, il faut qu’on puisse appliquer notre processus artistique à la philanthropie. C’est en étant intègres qu’on va attirer des gens qui partagent notre vision. »

« Si on veut être fidèles à nos valeurs, il faut qu’on puisse appliquer notre processus artistique à la philanthropie. » — Annabel Soutar

Annabel rêve d’une communauté de donateurs diversifiés, où les entreprises, les fondations et les particuliers auraient chacun leur place à la table. « Pour l’instant, on n’a pas encore les ressources humaines nécessaires pour entretenir avec nos donateurs et donatrices un dialogue aussi soutenu qu’on aimerait le faire, explique Annabel. Mais on doit travailler là-dessus : notre avenir dépend de cette communauté. »

Renforcer et pérenniser ces liens avec la communauté de donateurs, c’est une grosse partie du travail de Maxime Bertrand, qui voit Porte Parole comme un véritable acteur social. « On veut aller au-delà du cadre du théâtre documentaire : on veut être une plateforme d’échange et de dialogue sur les grands enjeux démocratiques », poursuit-il.  Annabel Soutar abonde dans le même sens. « Pour nous, c’est important de créer un environnement où tout le monde se sentirait respecté. On veut que, peu importe leurs moyens, les gens sentent qu’ils peuvent faire partie de cette communauté. »  Et ça, ça n’a pas de prix.


Cet article n’est que le début de notre réflexion. Au cours des prochains mois, Porte Parole poursuivra son enquête en allant à la rencontre d’experts de tous horizons, mais aussi de donateurs et donatrices comme vous.

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